Troisième semaine de défilés et toujours autant de surprises lors de la Fashion Week de Milan. Pendant le mois de la mode, la tension et l’excitation montent peu à peu car à Milan défilent les plus grandes maisons, celles des grands conglomérats du luxe (Bottega Veneta et Gucci appartiennent toutes deux aux géant PPR) qui ont pu profiter des deux semaines précédentes pour vérifier qu’elles étaient bien en accord avec les tendances qui se sont dégagées de New-York et de Londres et réajuster leurs silhouettes s’il le faut. On trouve donc à Milan des tendances plutôt semblables aux précédentes pour l’été 2013 : les rayures, le rétro, le noir et blanc. A celles-ci s’ajoutent des tendances japonisante et florales.
Chez Bottega Veneta, c’est à travers une certaine sobriété et une certaine retenue que l’artisanat vénitien est mis à l’honneur. Sobriété qu’on retrouve d’ailleurs dans les nouvelles campagnes de publicité de la marque. Cette sobriété se trouve édulcorée grâce aux motifs floraux des robes qui évoquent une certaine idée de l’Italie, plus légère, plus naïve peut-être. Ce que l’on remarque aussi c’est l’importance donnée aux détails et aux éléments techniques des robes comme ce collier en trompe-l’œil ou cette robe entièrement doublée de broderies. Finalement, il manque une chose clé à Bottega Veneta : les accessoires. Une maison comme celle-ci réalise plus de 80% de son chiffre d’affaire grâce à la maroquinerie et notamment grâce au tissage intrecciato. Malheureusement, elle s’échine à maladroitement faire évoluer ses classiques pour donner un coup de jeune à des modèles qui n’en ont pas besoin. La marque semble avoir encore une fois visé à côté pour les accessoires de cette collection.
Pour les jumeaux Dean et Dan Caten, la mode n’est jamais ennuyeuse. Après nous avoir entrainés à faire l’école buissonnière lors de leur dernier défilé, Dsquared² nous fait voyager dans le temps jusque dans les années 90. Les filles sont filiformes et s’approprient avec une féminité et un sex-appeal éclatants les codes masculins incarnés par le cuir, les chaînes et le jean. On ne sait pas qui sortira dans la rue vêtue de cette manière, mais celle qui osera fera tourner bien des têtes.
La marque milanaise qui est en train de subir la mutation la plus importante est sans conteste Dolce & Gabbana. Après l’arrêt de leur ligne d’entrée de gamme D&G et leur première sublime collection de haute couture, le duo milanais souhaite recentrer la marque sur son héritage italien et plus particulièrement sicilien. La broderie et la dentelle, techniques artisanales si elles en sont, sont désormais au cœur des productions de Dolce & Gabbana. Et cela continue avec la collection de l’été 2013. Je devrais plutôt dire les collections car on a l’impression d’assister à deux défilés différents en voyant ce que nous propose Dolce & Gabbana. En parallèle d’un superbe défilé de prêt-à-porter qui nous emmène dans une station balnéaire sicilienne se déroule un autre qui démontre une fois encore les prouesses techniques et avant gardistes dont sont capables les deux stylistes. C’est ainsi que la reconquête d’une légitimité qui s’est perdue dans des pièces trop cheap et trop accessibles s’enclenche. Aux rayures colorées s’ajoutent imprimés représentant des scènes de batailles ou des mosaïques, toutes deux tirées de la culture gréco-latine sur laquelle l’Italie s’est construite. Cette collection est sans conteste l’une des plus éditoriales de cette semaine avec son stylisme reconnaissable à ses boucles d’oreille disproportionnées, ses imprimés chocs et ses bandeaux dans les cheveux.
Chez Fendi, Karl Lagerfeld parvient à manier des rayures et des grands aplats de couleur tout droit sortis des années 70 sans tomber dans le kitsch. Il les associe à des coupes modernes (pantacourts, robes sans manches) et des motifs graphiques (nés d’un détournement astucieux du logo de la marque) qui donnent presque l’impression d’assister à un défilé sportswear. Mais les fourrures précieuses, l’importance donnée aux accessoires et le cuir rappellent que nous sommes face à un défilé de luxe. Lagerfeld nous montre que la femme Fendi aime s’amuser, elle porte son collier soit dans ses cheveux comme un head-band, soit caché derrière le col de sa chemise et porte un sac à main en forme de cube. Nul doute que la stratégie de communication de la marque (5 pages de publicité à la suite dans chaque magazine de mode) et ces nouvelles silhouettes plus jeunes parviendront à tirer le prêt-à-porter de Fendi vers le haut dans la futur.
Il semble que Frida Giannini veuille combattra la morosité que la crise fait peser sur l’Italie en mettant la couleur au centre de la nouvelle collection Gucci. Moins sexy qu’à son habitude, la femme Gucci préfère mettre en avant une certaine opulence et une sophistication en choisissant des matières fluides qui mettent à l’honneur un certain art de vivre italien. Ces blocs de couleurs associés à des frou-frous bouffants ultra féminins font parfois penser à des aristocrates russes se rendant à des cocktails mais sans jamais être de mauvais goûts. On parle beaucoup de la renaissance proche de la maison Schiaparelli qui a mis le rose à l’honneur. Gucci souhaiterait-il lui rendre hommage ?
Depuis que Valentino a été racheté en juillet par la famille royale du Qatar, la marque fait beaucoup plus parler d’elle. Stratégie de communication bien rodée (Valentino annonce beaucoup plus qu’avant dans les magazines et a beaucoup plus de citations rédactionnelles depuis quelques temps) ? Retombées presses suite au changement de propriétaires ? Ou réajustement d’une marque qui se cherchait depuis le départ de Valentino de la direction artistique en 2008 ? Probablement tout ça à la fois. La marque présente des collections de plus en plus actuelles et de plus en plus commerciales depuis quelques temps et se place comme l’une des marques à suivre pour son travail sur la dentelle, les coupes précises et la couleur rouge. La collection de l’été 2013 présente un travail tout en délicatesse et en raffinement. Même si les mannequins sont entièrement couvertes, une certaine sensualité se dégage de la collection (les chaussures entièrement transparentes y sont certainement pour quelque chose) qui prévoit un été 2013 très doux.
Enfin, le défilé le plus attendu de Milan et certainement celui qui rédéfinit à chaque saison les tendances et la mode en général en surprenant toujours les rédactrices : Prada. Pour cette nouvelle collection estivale, Miuccia Prada a décidé de travailler autour du noir. Les coupes simples et structurées, signature de la marque, sont décorées de motifs floraux et japonisant comme avec des pochoirs. Ce sont ces notes colorées qui amènent une touche d’été dans la collection de Prada. On retrouve toute la créativité de la marque à travers les manteaux en astrakan (fourrure prélevée à même des fœtus morts-nés d’agneaux) décorés de fleurs naïves et les chaussures qui s’inspirent de la manière dont les japonaises portent leurs chaussures traditionnelles avec des chaussettes. Le défilé Prada en laissera certainement beaucoup dubitatifs mais Miuccia Prada a gagné son pari : toujours étonner.
Et parce qu’on ne peut pas s’arrêter en détail sur toutes les marques :